Lundi de la cinquième Semaine du Temps Ordinaire — Année Impaire
Posté par diaconos le 8 février 2021
Dieu dit. Et ce fut ainsi
# Une cosmogonie est un récit mythologique qui décrit ou explique la formation du Monde1. Elle se distingue de la cosmologie, qui est la « science des lois générales par lesquelles le monde physique (l’Univers) est gouverné »1. Des récits oraux de cosmogonie fondent presque toutes les religions et sociétés traditionnelles, mais de nombreux traités sur les origines possibles de l’univers ont aussi été écrits par des philosophes ou des penseurs scientifiques, comme la cosmogonie d’Hésiode, et celle de Buffon. Des milliers de légendes de création du monde et de récits cosmogoniques traditionnels relatifs aux origines du monde, des dieux ou des institutions, appartiennent à la catégorie des mythes fondateurs.
Les figures idéales et les modèles intemporels y ont donc une place importante. La variété des récits de création du monde, à travers leurs théories des origines, semble aussi exprimer le besoin immuable de décrire et peut-être justifier les transformations radicales du monde observable, de la Terre et de la société humaine. Mircea Eliade voit dans la cosmogonie « le modèle exemplaire de toute manière de faire » ; une sorte de modèle archétypal de la création, l’univers étant le « chef-d’œuvre » d’un ou plusieurs créateurs offert comme modèle aux hommes.
Du livre de la Genèse
Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au- dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au- dessus des eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière « jour », il appela les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour.
Et Dieu dit : « Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux, et qu’il sépare les eaux. » Dieu fit le firmament, il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament et les eaux qui sont au-dessus. Et ce fut ainsi. Dieu appela le firmament « ciel ». Il y eut un soir, il y eut un matin : deuxième jour.
Et Dieu dit : « Les eaux qui sont au-dessous du ciel, qu’elles se rassemblent en un seul lieu, et que paraisse la terre ferme. » Et ce fut ainsi. Dieu appela la terre ferme « terre », et il appela la masse des eaux « mer ». Et Dieu vit que cela était bon.
Dieu dit : « Que la terre produise l’herbe, la plante qui porte sa semence, et que, sur la terre, l’arbre à fruit donne, selon son espèce, le fruit qui porte sa semence. » Et ce fut ainsi. La terre produisit l’herbe, la plante qui porte sa semence, selon son espèce, et l’arbre qui donne, selon son espèce, le fruit qui porte sa semence. Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : troisième jour.
Et Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel, pour séparer le jour de la nuit ; qu’ils servent de signes pour marquer les fêtes, les jours et les années ; et qu’ils soient, au firmament du ciel, des luminaires pour éclairer la terre. » Et ce fut ainsi. Dieu fit les deux grands luminaires : le plus grand pour commander au jour, le plus petit pour commander à la nuit ; il fit aussi les étoiles. Dieu les plaça au firmament du ciel pour éclairer la terre, pour commander au jour et à la nuit, pour séparer la lumière des ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : quatrième jour. (Gn 1, 1-19)
La Création
Il y a eu sur la terre une succession d’êtres allant du plus imparfait au plus parfait, et qu’il y a eu même une époque où aucun être organique n’existait. Si le monde n’avait pas eu de commencement, ce progrès ne serait pas possible. Dans un monde éternel il n’y aurait pas de succession : l’univers serait achevé aussitôt que commencé.
L’auteur isola la terre, comme objet de son récit ; il n’eut pas à s’occuper du reste de l’univers ; et s’il parla des cieux au quatrième jour, ce ne fut qu’en rapport avec la terre. Représenta-t-il la terre chaotique comme une masse entièrement aqueuse, ou comme une masse aqueuse à sa surface, mais reposant sur un socle solide ?
Déserte et vide. C’est là l’indication de la matière primitive. Dans toutes les autres cosmogonies le monde est une émanation de l’être ou de la pensée de la divinité, dans le récit de la Genèse il est le produit d’un acte de la volonté de Dieu. Dieu exécuta l’acte créateur : Il parla et la chose exista, il commanda et elle exista. L’Esprit de Dieu planant sur la face de l’abîme fut l’agent tout-puissant qui exécuta au fur et à mesure les ordres énoncés par la parole créatrice.
Que la lumière soit. L’auteur ne peut penser à la lumière solaire qui ne paraît qu’au quatrième jour. Cette lumière, dont l’apparition succède à. l’époque de ténèbres par laquelle la terre vient de passer, n’est point présentée d’ailleurs comme provenant d’un corps extérieur à la terre. Il s’agit donc d’une lumière diffuse avec laquelle les aurores boréales présentent peut-être une analogie éloignée. Cette lumière était une condition de l’œuvre qui fut à ses débuts.
Le jugement que Dieu prononça sur le résultat de son activité créatrice suppose que la causalité divine n’est pas seule à produire les êtres qui se succèdent, mais que les causes secondes ont aussi leur rôle dans cette œuvre. Une fois l’œuvre achevée, Dieu constate que les forces mises en jeu ont bien réalisé sa pensée.
La bonté de cette première œuvre ne fut pas de nature morale ; elle consista dans la parfaite adaptation de la lumière au but que Dieu se proposa d’atteindre par son moyen. Dieu ne prononça pas le même jugement sur les ténèbres, qui ne furent là que comme condition négative des œuvres qui furent accomplies tandis que la lumière en fut un facteur positif.
Ce que Dieu eut en vue ne fut pas un mélange de lumière et d’obscurité, qui n’aurait produit qu’un demi-jour permanent. Au lieu de cela, il établit une alternance régulière de la lumière et de l’obscurité, qui permit à l’une d’être pleinement lumière et à l’autre d’être pleinement obscurité. Une fois l’alternance de l’obscurité et de la lumière établie, Dieu donna un nom à chacun de ces deux espaces de temps, ce qui signifie qu’ils doivent se succéder désormais d’une manière régulière et irrévocable.
Quelques interprètes pensèrent que le soir désigna tout l’espace éclairé qui s’acheva avec le soir, et le matin, tout l’espace de temps ténébreux qui s’acheva avec le matin ; la journée s’étendrait ainsi de matin à matin. Les Juifs faisaient commencer leur jour de vingt-quatre heures au moment où le jour faisait place à la nuit, et que par conséquent la première moitié du jour de vingt-quatre heures était la nuit et la seconde le jour.
L’auteur considéra comme type une semaine de travail humain ; mais il ne put oublier que l’ouvrier fut Dieu, et qu’un tel ouvrier n’eut pas besoin de dormir toutes les douze heures, ni de se reposer tous les sept jours ; or avec la notion de l’ouvrier grandit nécessairement celle de jour de travail. Comme dans la vision prophétique Daniel vit des semaines qui ne furent pas des semaines de jours, mais des semaines d’années, ainsi, pour l’auteur de la Genèse, nos jours de vingt-quatre heures ne sont que l’image des grandes journées du travail divin.
Nous trouvons dans un passage des Nombres 3.1, le terme de jour appliqué aux six semaines du séjour de Moïse sur le Sinaï. Un jour peut donc désigner une durée indéfinie ayant pour contenu une œuvre unique. Nous concluons qu’en employant l’image de la semaine, l’auteur ne fut pas dirigé par une idée de durée, mais plutôt par la notion d’une œuvre accomplie graduellement, avec des intervalles de travail et de repos et aboutissant à un état stable et permanent qui en fut le terme. De plus ce cadre fut choisi dans le but de faire ressortir la sainteté du sabbat.
Quelques interprètes pensèrent devoir donner à ce mot les eaux le sens de fluides gazeux, et l’appliquèrent à la matière dont furent formés les astres et les nébuleuses. La terre était environnée d’une atmosphère épaisse, lourde, qu’un écrivain récent compara à une atmosphère d’usine et de laboratoire enveloppant le globe de ses tourbillons. Le moment arriva où les substances gazeuses dont elle fut saturée se déposèrent à l’état liquide ou solide et où le globe ne fut plus entouré que de cette enveloppe transparente et légère que nous appelons l’atmosphère.
Au-dessus de la couche la plus rapprochée de la terre s’élevèrent des vapeurs plus légères que l’air, qui se condensèrent, en arrivant dans une région plus froide, en dais de nuages environnant le globe (les eaux d’en-haut).
Le premier jour donna naissance à la lumière vivifiante par la séparation de la lumière et des ténèbres, le second à l’atmosphère respirable par la séparation des eaux d’en-haut et des eaux d’en-bas ; dans le troisième apparut le sol habitable par la séparation de l’eau d’avec la terre. Le récit suppose que celle-ci exista déjà et que l’eau, en se retirant, la laissa voir : « Tu l’avais couverte de l’abîme comme d’un vêtement, Les eaux s’arrêtaient sur les montagnes ; Elles ont fui devant ta menace, Elles se sont précipitées à la voix de ton tonnerre. » (Ps 104 6-7)
La formation des continents remplit la première partie du troisième jour ; la création des plantes, qui les revêtent comme une parure, en remplit la seconde moitié. C’est ici le point culminant de la première partie de la semaine créatrice : c’était à ce résultat que tendaient les œuvres précédentes, car la force organique est au-dessus de la matière brute.
L’apparition du premier être organisé est attribuée à la puissance divine, Dieu dit, mais aussi à la terre, dont Dieu se servit pour produire cet être nouveau, que la terre fasse pousser. Dieu montra ainsi qu’il a doué la nature d’une force qui lui appartient désormais en propre, et qui est comme l’avant-coureur de la liberté chez l’homme.
L’auteur, en parlant d’espèces, partit de l’état de choses qu’il vit, cet état de choses eut pour caractère la fixité des espèces avec leurs formes plus ou moins invariables et héréditaires. En s’exprimant comme il le fit, l’auteur ne parla pas de toutes les espèces que la science botanique crut pourvoir désigner de ce nom ; des types primitifs peu nombreux purent se multiplier indéfiniment.
Que cela était bon. C’est la seconde fois que Dieu prononça ce jugement dans cette troisième journée : le sol cultivable était bon en tant que base de tout travail humain et en tant que condition nécessaire de l’existence des plantes ; les plantes sont bonnes en tant que condition de toute vie animale : ce sont les plantes qui tirent du sol les matières inorganiques et les transforment en matières organiques, seule forme sous laquelle elles puissent servir à l’entretien de la vie animale.
Le règne végétal possède des vertus de toutes sortes pour guérir, vêtir, réjouir l’homme. Il renferme sans doute aussi des plantes vénéneuses, mais elles ont également leur utilité. Dieu ne donna pas de noms aux plantes, ni même à la plante, comme il ne donna de noms ni aux astres ni aux animaux ; il laissa aux hommes le soin de le faire, ne désignant lui-même par un nom que les principes constitutifs du monde.
Ce tableau du troisième jour, qui présente la création végétale comme antérieure à toute création animale, paraît être en désaccord avec les découvertes scientifiques, qui prouvent que l’animalité a existé dans le sein des mers antérieurement à toute végétation terrestre. Mais le récit de la création ne fit ressortir que les traits les plus saillants du développement de la terre, qui acheminèrent, comme des jalons, l’apparition de l’espèce humaine.
En parlant des plantes, l’auteur ne fit que mentionner leur riche et puissante apparition sur la terre ; il est certain qu’un immense développement de végétation eut lieu dans les premiers âges du globe ; nous en possédons la preuve dans les formations de houille qui se trouvent dans les profondeurs de la terre. La présence et l’action de la lumière furent rattachées à l’apparition des corps célestes, qui lui servirent comme de foyers.
Un savant, qui ne se préoccupa pas de justifier le récit de la Genèse, s’exprima ainsi : « Le soleil n’était pas encore parvenu à la période astrale qui lui donnera le disque lumineux, net et défini, sous lequel nous le connaissons à notre époque… Deux cents fois plus large en diamètre qu’il n’est aujourd’hui, il était peu lumineux ; mais insensiblement, de siècle en siècle, il inaugurera son rôle d’astre illuminateur. »
Comme l’a dit aussi un illustre physicien, le soleil remplit dès ce moment à l’égard de l’éther, dont les vibrations constituent la lumière, le rôle de l’archet à l’égard de la corde sonore. L’auteur, mettant les jours et les nuits de douze heures en rapport avec le mouvement des astres, ne peut, sans contradiction avec lui-même, avoir attribué aux jours et aux nuits précédents cette durée de douze heures. Les jours et années enfin, se rapportent au rôle du soleil.
Diacre Michel Houyoux
Complément
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