# Lazare fut un personnage de l’entourage de Jésus, apparaissant dans le Nouveau Testament, et ainsi devenu protagoniste de légendes orientales et occidentales du début de l’ère chrétienne. Il est essentiellement connu par un récit de l’Évangile selon Jean (chapitre 11) selon lequel Lazare, mort depuis quatre jours et mis dans un sépulcre, serait sorti vivant de la tombe sur l’ordre de Jésus. Pour Ernest Renan, cet épisode illustre le fait que Jésus subissait les miracles que l’opinion exigeait de lui bien plus qu’il ne les faisait .
Selon ce même auteur, le miracle fut d’ordinaire l’œuvre du public bien plus que de celui de Jésus. Dans son Histoire critique de Jésus-Christ, d’Holbach, philosophe des Lumières, souligna l’absence de témoins de la mort de Lazare. Cette résurrection fit écho à celle du Christ et au Ciel promis une fois le dernier moment venu. C’est en l’incluant dans son homélie 26, chapitre 6, sur la résurrection de Jésus et sur l’apôtre Thomas que le docteur de l’Église Grégoire le Grand aborda le retour de Lazare. Au Moyen Âge on en fit le patron des lépreux (à l’origine du lazaret), le confondant avec le personnage de la parabole rapportée par Luc.
De l’Évangile de Jésus Christ selon Jean
En ce temps-là, quand Lazare fut sorti du tombeau, beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait. Les grands prêtres et les pharisiens réunirent donc le Conseil suprême ; ils disaient : «Qu’allons-nous faire ? Cet homme accomplit un grand nombre de signes. Si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui, et les Romains viendront détruire notre Lieu saint et notre nation.»
Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : «Vous n’y comprenez rien vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas.» Ce qu’il disait là ne venait pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ; et ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés.
À partir de ce jour-là, ils décidèrent de le tuer. C’est pourquoi Jésus ne se déplaçait plus ouvertement parmi les Juifs ; il partit pour la région proche du désert, dans la ville d’Éphraïm où il séjourna avec ses disciples. Or, la Pâque juive était proche, et beaucoup montèrent de la campagne à Jérusalem pour se purifier avant la Pâque. Ils cherchaient Jésus et, dans le Temple, ils se disaient entre eux : «Qu’en pensez-vous ? Il ne viendra sûrement pas à la fête !» Les grands prêtres et les pharisiens avaient donné des ordres : quiconque saurait où il était devait le dénoncer, pour qu’on puisse l’arrêter. (Jn 11, 45-57)
Conséquences de la résurrection de Lazare
À a suite de ce triomphe de la vie sur la mort dont ils furent témoins, un grand nombre de personnes crurent en Jésus. Il y eut des degrés très divers dans cette foi opérée par la vue du miracle. il fut possible que plusieurs fussent d’avance préparés à la foi en Jésus. Chez d’autres, cette foi ne fut peut-être que l’impression vive, mais passagère, du miracle. D’autres, enfin, ne reçurent pas même cette impression. Au grand nombre de ceux qui crurent, Jean en opposa quelques-uns qui, témoins de la puissance divine et de l’amour de Jésus, allèrent vers les pharisiens et leur dirent ce que Jésus fit. Dans quelle intention ?
Les termes mêmes qu’employa Jean et la suite du récit ne le prouvèrent que trop. Ils allèrent dénoncer à ces pharisiens, ennemis de Jésus et qui exercèrent la plus grande influence sur le sanhédrin, ce qui se passa à Béthanie. Ces mêmes pharisiens, avec les principaux sacrificateurs convoquèrent une séance du sanhédrin, pour délibérer sur l’événement qu’on leur dénonça et qui fut de nature à grandir démesurément l’influence redoutée de Jésus sur le peuple. Ce qui les remplit d’inquiétude ce fut que cet homme fit beaucoup de miracles.
Ce ne fut pas seulement la résurrection de Lazare qui les troubla, celle-ci ne fit que mettre le comble à ces manifestations de la puissance divine qui agissait par Jésus et que les chefs du peuple ne purent tolérer. Ils crurent ces miracles, ils les constatèrent officiellement, et ils voulurent condamner celui qui les opéra ! Cette crainte des Romains fut-elle sincère ? Plusieurs interprètes le pensèrent avec les idées charnelles que les Juifs se faisaient du Messie, ils pouvaient redouter que Jésus ne suscitât parmi le peuple quelque émeute, qui aurait provoqué une répression sévère de la part des Romains et amené peut-être la suppression du pouvoir du sanhédrin.
Que cette crainte fût sincère ou simulée leur principal mobile fut l’ambition égoïste : ils craignirent que les Romains ne mirent un terme à leur domination sur ce qu’ils appelèrent notre lieu, notre nation. Caïphe, en vrai sadducéen (Josèphe, Bell. Jud. 2, 8, 14), parla avec rudesse : «Vous n’y entendez rien» ; puis, invoquant la raison d’État, au nom de laquelle tant d’iniquités furent commises, il leur dit : «Vous ne considérez pas qu’il vous est avantageux de sacrifier un seul homme pour sauver la nation.» Innocent ou coupable, il fallut que cet homme périsse !
Les exégètes ne furent pas d’accord sur la nature de cette prophétie attribuée au souverain sacrificateur. Les uns, se rappelant que, dans les beaux jours de la vie religieuse en Israël, le souverain sacrificateur fut censé posséder le don de prophétiser, ou de prononcer des oracles en consultant l’Éternel, pensèrent qu’en ce moment l’Esprit de Dieu renouvela en Caïphe ce don depuis longtemps disparu et lui fit prononcer, en vertu de sa charge, une véritable prophétie.
Ce fut bien Caïphe lui-même qui, de son propre mouvement, prononça un principe de sa détestable politique, mais, par une direction spéciale de la providence divine, il le fit en des termes dans lesquels Jean put, à bon droit, voir une prophétie involontaire de la mort du Fils de Dieu. Pilate aussi proclama la royauté divine de Jésus-Christ aux yeux de tous, en attachant à la croix le titre de cette dignité. Caïphe prophétisa, en vertu de sa charge, comme souverain sacrificateur de cette année-là.
Ce ne fut pas seulement pour la nation juive que Jésus devait mourir, mais afin de rassembler en un seul corps, par la prédication de l’évangile, les enfants de Dieu dispersés parmi toutes les nations : «J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.» (Jn 10, 16) Dans quel sens Jean appela-il enfants de Dieu ces milliers d’hommes de l’avenir qui n’avaient encore aucune connaissance de Jésus ? Des interprètes, jaloux d’attribuer à l’homme le plus possible et à Dieu le moins possible dans l’œuvre du salut, répondirent que ces enfants de Dieu étaient ceux que Dieu voyait disposés à le devenir.
Ce fut là le mystère de la miséricorde divine, s’étendant à toutes les nations et dont Paul fut le grand prédicateur 00: «Le mystère caché de tout temps et dans tous les âges, mais révélé maintenant à ses saints, à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, savoir: Christ en vous, l’espérance de la gloire.» (1 Co, 26-27). Jésus n’ignora pas la décision qui fut prise ; il quitta les environs de Jérusalem et la Judée, il ne parut plus , il ne marcha plus ouvertement, en public, librement, parmi les Juifs, il se retira dans la contrée voisine du désert de Juda qui s’étendait au loin dans la direction du Jourdain et de la mer Morte. Il séjourna avec ses disciples dans une ville appelée Éphraïm.
Cette ville selon Eusèbe, était à huit milles, selon Jérôme à vingt milles au nord-est de Jérusalem. L’historien Josèphe la plaça dans le voisinage de Béthel : «Or Abija poursuivit Jéroboam, et lui prit ces villes : Béthel et les villes de son ressort, Jeshana et les villes de son ressort, Éphron et les villes de son ressort. » (2 Cr 13, 19). Le mot : contrée ne désigne pas spécialement le pays où Jésus s’était retiré, mais en général les campagnes, par opposition à la capitale. Ces gens se rendaient à Jérusalem avant la Pâque, afin que ceux qui étaient atteints de quelque souillure légale eussent le temps de se purifier par des sacrifices et diverses cérémonies, pour pouvoir prendre part à la fête.
Jean décrivit ainsi un mouvement de curiosité chez les uns, de sérieuse attente chez les autres. Leur attente fut excitée par le bruit que fit le dernier miracle de Jésus. La décision prise par le sanhédrin contre lui rendit très douteuse, à leurs yeux, sa venue à la fête. Ils se demandèrent les uns aux autres, avec un vif intérêt : «Que vous en semble ? qu’il ne viendra pas à la fête ? »Ils se posèrent ces questions, se tenant là dans le temple où ils savaient que Jésus avait l’habitude de se rendre pour parler au peuple.
Diacre Michel Houyoux
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